Il y aura un an en fin d’après-midi, le séisme à Haïti. Les médias font de leur mieux et le font assez bien. Hier, j’ai vu la fosse commune où l’on a enterré à la hâte la plupart des centaines de milliers de morts. À la hâte aussi, et probablement à l’occasion des cérémonies de commémoration, des milliers de petites croix de bois foncé ont été installées. Les Haïtiens en feront un lieu sacré à la mémoire des victimes.
Au-delà des mots, lorsqu’on y pense bien, quel drame épouvantable ont vécu ces gens, drame qui se permute en d’insoutenables conditions de vie pour des centaines de milliers d’entre eux. Difficile de se mettre dans leur peau sans voir, entendre, sentir, toucher ce qu’ils vivent. Je prends le temps de le faire et ça me change à l’intérieur…pour le mieux! Mes échelles de valeur se replacent à vive allure!
L'information ne se fait pas sans mots, mais il y a un danger : les mots évacuent l’émotion aussi bien qu’ils peuvent parfois la susciter. Bien commodes les mots et les préjugés pour nous débarrasser de ce qui nous gêne!
À en juger par les discussions, les articles, les reportages, il semble difficile de ne pas juger, ni ergoter sur ce qui a été, et sur ce qu’il reste à faire. Les ONG font ce qu’elles peuvent, les Églises et les milliers de volontaires aussi. Les haïtiens pendant ce temps se réorganisent du mieux qu’ils le peuvent et nous donnent une magistrale leçon de résistance et de foi en l’avenir, à nous qui fûmes en des temps presque révolus de grands résistants paraît-il!
Les mères nourrissent, lavent, repassent, soignent, envoient les enfants à l’école – lorsque école il y a - et tout le reste qu'une mère se doit de faire pour maintenir la vie.
Hier soir, au TJ de 22h, une entrevue de Dany Laferrière où il souligne à Céline Galipeau, l’importance du travail des femmes. Ce n’est pas étonnant. Les femmes de tout temps et en tout lieu, ont assuré le quotidien au quotidien, la survie. Le mode débrouille, elles connaissent!
Pour ceux qui ne l’auront pas lu, un cadeau. Ce texte de Jean-François Labadie (http://jeanfrancoislabadie.blogspot.com). Québécois en poste à Haïti depuis quelques années, il connaît et aime ce peuple et sait le communiquer! Ce texte est une pierre précieuse à conserver comme telle.
« Comme une graine qui se transforme en arbre une fois plantée dans la terre, la vie arrive à s’extirper de la mort, à se nourrir d’elle. À pousser tout croche peut-être, mais à pousser quand même. C’est la première leçon que les haïtiens donnent depuis un an. Je parle de ceux qui sont pauvres, travailleurs comme chômeurs, ceux qui forment ce qu’on appelle la population. On apprend donc cette notion que la mort est plus forte que la vie et qu’à ce titre, ça ne vaut pas la peine de tenter de se battre contre elle. Que la seule façon d’ébranler la mort un peu, c’est de célébrer la vie.
Tous les matins depuis, cette femme haïtienne qui s’extirpe d’une tente, bien mise, plus belle que tout, parfaite. C’est la vie. Elle vit dans la pauvreté mais ne la porte pas. Je pense à son allure, seule sa maison s’est écrasée. Tous les matins depuis, elle tient la main de son ti-moun parfaitement costumé pour l’école, plus propre que propre. Aujourd’hui, comme des millions d’autres, elle priera un Dieu. Des larmes baigneront ses yeux quand elle pensera à tous les morts qui font sa vie depuis bagay la. Ses mains comme ses yeux se lèveront vers le ciel. Cette femme, c’est Ayiti. Des millions d’hommes et de femmes dont la vie est façonnée par la mort. On souligne la vie aujourd’hui, même si ce sont les morts qui sont en vedette. »
6 commentaires:
""merci"",
pour ce partage
belle soirée a toi........
bizzzzzzzzzzzz...... claire
Ouf, tout un témoignage, une ode à la vie, coute que coute...
La vie est plus forte que tout.
Un an, c'est encore plus long quand on n'a pas de toit, plus de famille, plus qu'un peu d'espoir. Et encore. Plus ça va sans grands changements, moins on a de l'espoir. On abandonne.
C'est un beau témoignage pour tous ces gens courageux qui travaillent pour un avenir meilleur.
Que ce texte de Jean-François Labadie est bien écrit! Un joyau. Les fleurs qui n'ont pas été écrasées alors que les édifices s'écroulaient, la poésie du quotidien malgré les conditions sordides, c'est à ces images un peu irréelles qu'il faut s'accrocher. L'aide monétaire que nous avons tenté d'apporter ne se rend pas. Impuissance. Et culpabilité. De se plaindre pour des niaiseries alors que ces gens qui n'ont plus rien ne se plaignent même pas. Dignes.
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