...nous fêtions l'anniversaire de maman! Qui nous a quittés depuis déjà quatre ans. La maladie d'Alzheimer nous l'a prise peu à peu, au fil de quelques années de ce qui m'a parfois semblé un deuil en continu ! Elle a vécu, surtout au début, angoisses et révoltes bien compréhensibles, puis sa vivacité, son énergie et sa pétillance l'ont peu à peu quittée. En s'éloignant, elle est devenue le plus souvent calme, sereine, souriante, malgré toutes les pertes très concrètes et son corps qui se désagrégeait. Les derniers mois, elle s'était presque absentée du monde à ce qu'il me semblait. Puis, quelques heures avant de mourir, elle est revenue vers nous, le temps d'un long sourire d'adieu irradiant tout son visage... C'était son cadeau de départ!
J'écoutais le merveilleux Christian Bobin l'autre après-midi nous parler de cette maladie qui a emporté son père. Autant dans cette émission de "Second Regard" que dans son livre, La Présence Pure, j'ai appris qu'il y a un sens à donner à cette maladie, comme à toutes les maladies du vieillissement. Christian Bobin racontait: "Quand j'allais voir mon père à sa résidence, à chaque fois je revenais avec un trésor. Dans ces endroits où les gens viennent terminer leur vie, j'ai vu beaucoup plus d'intelligence, de bonté, de vérité, que dans un conseil d'administration ou dans un stade de foot.... Cette maladie désencombre de tout ce qui n'est pas nous: nos couronnes de carton, ce qu'on a appris, l'importance qu'on se donne à soi-même.... Vous êtes assis en face de quelqu'un et vous avez son âme en direct avec ce qu'elle a d'âpre et de dure et parfois d'incomparablement lumineux....La maladie d'Alzheimer enlève le monde de la personne, elle la nettoie comme on nettoierait un visage. Ce visage en face de moi était incroyablement nu. J'avais en face de moi la personne même....Il ne reste alors que le toucher des mains, parfois les yeux, parfois la voix, ou encore le silence que l'on partage avec elle. J'ai appris là-bas un alphabet de l'invisible. J'ai appris de quoi le fond de la vie était fait. Et je reviens extrêmement confiant de ce qui est aussi un enfer.
Les proches vivent la panique de voir la personne aimée se dissoudre au fil du temps. "Il faut se rappeler, continue Christian Bobin, qu'au-delà de l'identité, demeure quelque chose de propre à l'individu et qui résiste et qui n'attend que notre présence même muette. Ce qui est mis en sommeil, c'est la personne sociale. La personne profonde, elle est là comme jamais.... Quand mon père voulait me présenter à quelqu'un, parfois il disait: c'est Christian, mais parfois il ne mettait plus la main sur le prénom ou sur le mot fils, alors il usait d'une jolie ruse et me présentait en disant "voici celui ..qui est inoubliable!"
Moi, j'entends, je lis ces paroles. Elles me font du bien.
Ma mère, elle, les a vécues comme elle avait vécu sa vie: dans l'amour inconditionnel..
Et j'ajoute cette citation que j'aime particulièrement: “Je ne suis ni mes pensées, ni mes émotions, ni mes perceptions sensorielles, ni mes expériences. Je suis l’espace dans lequel tout se produit. Je suis la conscience. Je suis le Présent. Je suis.” - Eckhart Tolle
3 commentaires:
Sais tu que Christian Bobin est un voisin! Je n'ai jamais eu l'occasion de l'entendre en conférence mais j'ai tout lu de lui. J'aime particulièrement "la plus que vive" l'as tu lu?
A la lecture du long sourire d'Adieu de ta maman j'ai eu des frissons dans le dos. C'est si bon de penser que les êtres que l'on aime partent en paix!
Je ne connais pas ce monsieur Bobin, mais j'ai fais du bénévolat pendant 11 ans dans une résidence et je peux dire que ces personnes m'apportaient beaucoup.
J'ai tout lu ou presque de Christian Bobin. Un univers unique d'une beauté sans pareille et qui nous purifie à l'intérieur. Comme une grande bolée d'air frais! Comme le clair des yeux d'un très jeune enfant!
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