lundi 27 juin 2011

...le triste état du monde!

Une chronique de François Brousseau publié dans le Devoir.  Le Québec est à l'image du monde ces temps-ci!  Aux prises lui aussi avec les grands commis-voyageurs de l'économie mondiale qui ne pensent qu'à maintenir à flot un bateau qui prend l'eau de partout.

Tout est dans tout

François Brousseau 27 juin 2011 Actualités internationales


«Tout est dans tout»: jamais cette formule un peu simpliste n'aura été aussi vérifiée dans les faits. Voyons plutôt quelques grands titres de l'actualité internationale:
•L'OTAN se retrouve peut-être à l'agonie après les interventions de Libye et d'Afghanistan, alors que le secrétaire sortant à la Défense des États-Unis, Robert Gates, exhorte en vain les Européens à dépenser davantage pour leur sécurité... sans quoi, laisse-t-il entendre, l'Alliance atlantique vit peut-être ses derniers moments.

•Le premier ministre grec, Georges Papandréou, se met à genoux devant ses pairs à Bruxelles, quémandant une seconde tranche de 110 milliards d'euros et promettant que «les Grecs vont changer». Pendant ce temps, des publications comme Focus (Allemagne) et Le Nouvel Observateur (France) commencent à esquisser la nécrologie de l'euro, cette monnaie commune dont on avait pensé qu'elle rapprocherait les peuples et garantirait la prospérité.


•Les indignados envahissent les rues de Madrid, de Barcelone et d'Athènes — et peut-être bientôt celles de Lisbonne, de Londres ou de Paris —, aiguillonnés par la baisse du niveau de vie et l'absence désespérante de perspectives. Ils dénoncent aussi des élites déconnectées et leurs mesures d'austérité draconiennes qui, à Athènes mais aussi à Londres et à Dublin, ne semblent pas avoir l'effet escompté sur une reprise bien hypothétique.


•Des vagues de réfugiés en Méditerranée, fuyant un monde arabe en convulsions, viennent cogner à la porte de l'Europe. Une Europe frappée d'épouvante, économiquement à bout, tentée de leur dire: «Non! C'est assez! Restez là où vous êtes!» Résultat direct ou indirect: des dizaines, et peut-être des centaines de malheureux se sont noyés en haute mer.


•Corollaire logique: une remontée de l'extrême droite xénophobe et une hostilité croissante à l'immigration, avec Marine Le Pen qui caracole en France, et le Danemark qui rétablit ses contrôles douaniers... contre la lettre et l'esprit des accords de Schengen sur la libre circulation des personnes.


Voilà un enchevêtrement de troubles et de malaises — européens, mais aux causes et aux répercussions mondiales — qui ont en commun d'être tous intimement reliés les uns aux autres. Une seule grande crise, en somme...

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L'OTAN, qui se demande avec angoisse si les avions Rafale et Super-Étendard au-dessus de la Libye auront assez de munitions pour passer l'été, est une victime collatérale de la crise fiscale et budgétaire qui — au-delà de la Grèce et de l'Irlande — touche l'Europe tout entière.

Alors que les Occidentaux en armes voient cruellement les limites de leur pouvoir en Afghanistan et en Libye (où ils ne sont même pas capables de donner le coup de grâce à un dictateur d'opérette), il n'est absolument pas question, comme le souhaiterait Washington, que les Européens doublent leurs budgets de défense. Ils n'ont plus d'argent... et surtout pas pour ça! Robert Gates le sait: d'où ses propos extraordinairement francs et pessimistes sur l'avenir de l'OTAN.

Les manifestants dans les rues d'Espagne et d'ailleurs, enivrés par leurs slogans solidaires, que disent-ils aux malheureux qui arrivent aux portes de l'Europe? «Allez, entrez en masse et alourdissons encore les déficits qui nous étranglent déjà?» Pas sûr...

Les analystes espagnols ont d'abord étiqueté à gauche le mouvement des indignados... mais d'autres y détectent maintenant certains éléments de populisme de droite, alors que le ressac anti-immigration est fort en Espagne. Un pays où l'on présentait, au milieu des années 2000, l'immigration de masse comme «nécessaire... et nécessairement bonne». L'Europe, convertie tardivement à cette idéologie et à cette pratique venues du monde anglo-saxon, est aujourd'hui en proie à des révisions déchirantes.

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Oui, «tout est dans tout»: même l'affaire Dominique Strauss-Kahn a un rapport avec ce qui précède. Qui voit-on s'y affronter? Le puissant et la prolétaire: lui, ex-acteur central de cette «restructuration» mondiale dont tout le monde parle; elle, pauvre immigrée économique d'un petit pays d'Afrique. Et puis les avocats du puissant (DSK le «socialiste») essaient perfidement de déterminer si elle n'était pas... illégale à son entrée aux États-Unis! Crise économique, immigration, sexe, lutte de classes: tout y est.

Et n'oublions pas, pour finir, la tournée, cette semaine — de Budapest à Londres, en passant bien sûr par Athènes — de l'«oncle riche» d'Asie, le premier ministre chinois Wen Jiabao. À la rescousse des infrastructures et des «dettes souveraines» d'Europe, qui en ont bien besoin! Armé de son chéquier... et du slogan «Comment se faire des amis».

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François Brousseau est chroniqueur d'information internationale à Radio-Canada. On peut l'entendre tous les jours à l'émission Désautels à la Première Chaîne radio et lire ses carnets dans www.radio-canada.ca/nouvelles/carnets.


Notre premier commis-voyageur québécois est lui aussi en tournée européenne cette semaine, pour faire miroiter aux yeux des investisseurs européens les richesses de NOTRE grand nord québécois....

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